C’était pendant le grand silence du COVID. Une amie d’enfance m’a glissé à l’oreille une intuition : et si tu faisais un diagnostic pour le TDAH ? Elle me connaissait depuis toujours, et dans sa voix il y avait à la fois tendresse, lucidité, et une forme de résonance. Elle m’a parlé de mes années d’enfance, puis de ses enfants à elle, à qui on avait mis un nom sur leurs tempêtes.

Alors j’ai plongé. Des mois à explorer, à lire, à ressentir. J’ai pris rendez-vous pour un diagnostic tardif, chez l’adulte, dans ce corps habité par des strates de vies, de traumas, de complexités.

Ça n’a pas été un chemin simple. Mais peu à peu, j’ai appris à relire mon passé avec un autre regard, à habiter mon présent avec plus de douceur, et à entrevoir un futur où mes atypies, mes intérêts “spéciaux”, et ma capacité à me perdre dans un détail deviennent non plus des obstacles, mais des leviers de création, de résilience, de sens.

Je ne suis pas diagnostiqué car je n’ai pas terminé les tests, à quoi bon ? ça allait changé quoi en fait ? et puis si c’est un spectre, qui ne l’est pas d’une façon ou d’une autre ? mais surtout j’en avais retiré ce que j’avais besoin de savoir pour mieux me comprendre et vivre dans ma peau..le label ou le diagnostic n’avait plus d’importance.

Je me souviens qu’un jour, cette même amie m’avait dit : « Peut-être qu’un jour, tu rencontreras quelqu’un qui navigue lui aussi quelque part sur le spectre… et ce jour-là, tu comprendras ce que c’est, un vrai match, profond, calme, évident. »

Je n’y avais jamais vraiment cru. Et puis, il y a quelques jours, quelque chose s’est passé.

On s’est rencontrés. Et là, ça a cliqué. Pas un feu d’artifice, plutôt comme deux formes faites l’une pour l’autre, qui s’imbriquent, naturellement.

Bam.

Je n’avais pas ressenti ça depuis longtemps. Cette évidence. Ce calme. Cette intensité tranquille. Elle a 38 ans. J’en ai 44.

C’est une battante. Elle a traversé des choses que peu pourraient imaginer, et pourtant, elle s’est reconstruite, seule, malgré les embûches, malgré les hommes qui n’ont pas su la voir.

On s’est trouvés. Pas par hasard. Mais dans un choix assumé d’être seul·e, jusqu’à ce que quelqu’un vienne, sans forcer, sans masque, sans peur.

J’ai souvent rencontré des gens qui avaient peur de mon passé. Qui n’avaient de relation qu’avec ce qu’ils croyaient comprendre de mon histoire. Mais ici, pour la première fois depuis longtemps, je me sens vu. Pour ce que je suis. Pour ce que je peux devenir. Pas juste pour les cicatrices visibles ou invisibles.

Et c’est doux.

Je me sens comme un ado, qui redécouvre la vie, l’amour, le lien.

Je pars au Portugal avec ma fille. Trois semaines sans se voir. Et pourtant, je ressens une saudade sans douleur. Une absence habitée. Sans les pensées qui s’emballent, sans les vieux réflexes. Juste ce calme étrange… comme la falaise face à l’océan : solide, enracinée, confiante.

Et je me dis que cette quarantaine, elle a un goût inattendu. Je commence à devenir l’homme que je voulais être. Plus doux. Plus éduqué. Plus confiant. Plus vivant.

Même si dehors, tout brûle. Même si des batailles nous attendent. Je prends cette pause. Avec gratitude.

Je vous souhaite un bel été. Je vais m’éclipser un peu, préparer mon futur déménagement, profiter de ma fille, et savourer ce moment rare où la vie me dit doucement : tu es à ta place.