BPM de résistance, Danser sur les ruines, bâtir l’utopie
Les causes perdues et les musiques électroniques – c’est-à-dire les luttes sans espoir, les espaces marginaux, les terrains vagues où les corps dansent avant d’être expulsés, les peuples et les êtres rejetés aux confins de l’histoire par l’économie du désastre et les algorithmes de la surveillance – sont précisément les bases où doivent se tenir, se maintenir nos ferveurs et, pour tout dire, notre créativité.
En s’attachant aux causes perdues, on élargit la totalité de sa perception. En plongeant dans les pulsations électroniques, on accède aux battements du monde, aux syncopes du vivant, aux infra-basses qui font vibrer l’invisible et qui, par-delà les clubs et les warehouses, relient ceux qui refusent de plier. Là où la sensation se module en fréquence, là où la sueur, le rythme et la lumière sculptent des utopies tangibles, le corps devient langage et l’esprit s’échappe des grilles normatives.
Les grands poètes ont toujours été des hackers de la réalité, des contrebandiers du sensible, solitaires et solidaires. Solitaires, non par retrait du monde, mais par le rejet des pouvoirs qui transforment les démocraties en parcs à données et les rêves en transactions. Solitaires, parce qu’ils refusent la normalisation des vies et des désirs, qu’ils résistent aux protocoles de la conformité, aux nouvelles mécaniques d’assignation et d’effacement.
Et quand ces poètes se disent solidaires, c’est qu’ils se tiennent en connexion, branchés sur le flux de toutes les dissidences. Ils sont là où les murs vibrent sous le kick d’une techno abrasive, où les kicks martèlent les pavés des marches queer et féministes, où la house bâtit des sanctuaires pour ceux que l’histoire veut rayer, où le punk rappelle que tout peut brûler, où le hip-hop scande la rage et la mémoire, où l’électro fracture le temps pour offrir des respirations libres.
Des zones autonomes où les minorités de genre, les LGBTQIA+, les neuro-atypiques, les racisés, les enfants pris dans la violence du monde trouvent un espace où exister, créer, rêver.
Les causes perdues ne sont jamais perdues tant qu’elles font encore vibrer les cœurs. Les musiques électroniques ne sont pas qu’un bruit de fond : elles sont des territoires, des manières d’habiter le réel autrement, de hacker l’inertie et de faire danser les révoltes.