L’escalator, ce complice des âmes croisées"
Il y a presque un an, j’ai quitté un quartier pour un autre, glissant entre les artères de Bruxelles, cette ville dense de mystères et de réminiscences, comme un labyrinthe d’ombres familières. Je n’avais pas choisi ta commune, mais le hasard m’y a porté, là où nos vies s’étaient croisées, là où nos âmes, un temps, s’étaient effleurées.
C’était une époque étrange, figée sous le poids du confinement. Toi, réfugié d’Italie, portais tes blessures comme des plaies secrètes. Moi, je portais les miennes comme des chaînes pesantes. Nous nous étions trouvés, deux naufragés dans la solitude immense de ces jours suspendus. Nos rires, nos disputes, nos silences parlaient d’un amour trop lourd, trop fébrile, un amour qui vacille et se brise sous son propre poids.
Et pourtant, nous avons tenté. Chaque retrouvailles était un mirage, chaque séparation, un naufrage. Nos bagages, trop encombrants, se heurtaient dans cet espace étroit qu’on appelait “nous”. Et puis, un jour, il n’y eut plus de “nous”, seulement des ruines d’espoir et une douleur sourde.
Le temps a passé, mais la ville, elle, m’a rappelé à toi. Ce déménagement dans ton quartier a ravivé la braise que je croyais éteinte. Alors, dans ma solitude, je t’ai écrit. Une lettre simple, presque timide, juste pour dire : je suis là, tout près. Mais le silence m’a répondu, un jour on s’est croisé en rue, tu revenais du yoga j’allais faire une course, tu allais passer ton chemin, j’ai voulu dire bonjour, tu m’a regardé, puis tu as dit “You’re fat”. C’était comme une gifle dans mon cœur tout mou, cette fois je me suis dit, c’était un point final.
Puis vint ce soir. Et cet instant. Cet instant où je t’ai vu, par hasard, dans les entrailles du métro. Avant même de te croiser, ton image était là, dans mes pensées, comme si ton absence avait préparé mon cœur à ton apparition. Tu étais là, debout sur l’escalator, ton élégance italienne éclipsant le reste du monde. Tes cheveux noirs comme une nuit d’orage, ta peau teintée d’ombres entre l’Inde et l’Italie.
Je montais, pressé, cherchant à fuir ce lieu saturé de toi. Mais l’escalator, complice cruel, m’a arrêté à ton côté. Une seconde suspendue, un battement hors du temps. Nos présences se frôlèrent, et dans ce bref instant, je sus que tu savais. Ton regard, s’est fixé un instant, le mien a louché vers la droite. Une fraction de seconde où nos présences se sont reconnues, en silence.
Puis, l’instant s’est brisé. L’escalator m’a porté loin de toi, loin de ce passé qui murmure encore. J’ai scanné mon badge, monté l’escalator suivant, traverser, j’ai regardé autour de moi, j’ai encore espéré te voir arriver à ton tour, mais tu n’étais plus là. Comment t’oublier…
Et pourtant, te fuir, c’est aussi te porter en moi. Alors j’écris. Pour exorciser. Pour contenir cette présence qui hante parfois mes pensées. Tu restes là, dans un coin de mon cœur, je sais qu’on a vécu ce qu’on avait à vivre, j’ai appris des choses, comme dans chaque relation, j’ai quand même le regret de ne pas avoir été plus qu’une “situationship”, je garde des bons souvenirs, parfois j’entends encore ton rire qui éclate dans mes souvenirs et ça me fait sourire, j’évite de regarder Gilmore Girls, parce que ça me fait penser à toi.
Dans une réalité parallèle, j’aurais aimé pouvoir être ton ami sans être attiré par toi, mais c’est juste impossible, alors je fais le choix de t’oublier. De ne plus courir après une chimère.
Et puis dans tout cela… Qui dit que tu voudrais encore de moi.. Non de fait, cette histoire est terminée.